Abbayes, prieurés, commanderies, églises et chapelles de l'estuaire de la Gironde

France > Nouvelle-Aquitaine

Héritage des anciennes circonscriptions gallo-romaines, la délimitation entre les diocèses de Bordeaux et de Saintes au Moyen Âge prend appui sur la rive droite de l'estuaire. Blaye et les paroisses environnantes dépendent du Bordelais, alors qu'au-delà de Saint-Ciers-Lalande, les paroisses estuariennes sont rattachées au diocèse de Saintes. L'implantation des édifices médiévaux se fait généralement sur ou à proximité de sites antiques en bordure d'estuaire. Sur la rive droite, la première basilique de Blaye élevée sur le tombeau de saint Romain, ou, en Médoc, le site funéraire de Saint-Siméon à Jau-Dignac-et-Loirac, en position insulaire, sont des indices probants d'une recherche de proximité avec le fleuve. L'histoire de ces deux sites a été mise en lumière grâce aux fouilles archéologiques qui ont démontrées la présence de vestiges d'édifices funéraires chrétiens dès le haut Moyen Âge. De rares textes font par ailleurs état d'implantations anciennes : la villa de Plassac, à l'origine de la paroisse Saint-Pierre, ou la colonica vicentianae, à l'origine de Saint-Vincent de Villeneuve, sont mentionnées dès le 7e siècle ; la villa de Meschers, attestée en 814, trouve une descendance dans la paroisse Saint-Saturnin. L'ensemble de ces éléments témoigne de la progression de la christianisation le long de l'estuaire, levier de la recomposition territoriale, qui stimule ou accompagne le développement des agglomérations riveraines.

Outre l'Eglise métropolitaine de Bordeaux et diocésaine de Saintes, différents ordres religieux cherchent, à partir de la fin du 10e siècle, à assurer une présence sur des points clés de traversée et sur le chemin jacquaire. L'abbaye bénédictine Sainte-Croix de Bordeaux représente l'une des principales autorités religieuses en Médoc. Elle cherche à contrôler notamment le secteur de la pointe de Grave, par l'implantation du prieuré Notre-Dame-de-la-Fin-des-Terres à Soulac, ainsi qu'en amont les espaces proches de la confluence, avec la possession, au 11e siècle, de l'église Sainte-Marie à Macau et de biens alentours. L'abbaye bordelaise est en concurrence avec l'ordre clunisien à la pointe de Grave, détenteur du prieuré Saint-Nicolas, et avec l'abbaye landaise de Saint-Sever, qui lui conteste un temps la possession de son prieuré de Soulac.

Sur la rive droite et proche de l'embouchure, les abbayes de Vaux, de Blaye et de Bourg disposent de biens dans un périmètre relativement restreint. Mais ce sont généralement des maisons saintongeaises et angoumoises qui essaiment des établissements monastiques. Quelques édifices relèvent de congrégations religieuses extérieures au territoire et parfois lointaines, mettant en exergue les enjeux de possessions territoriales de part et d'autre de l'estuaire.

Le corpus estuarien est composé d'une centaine d'édifices religieux, qu'il s'agisse d'églises paroissiales (66) ou de chapelles (18), d'abbayes (3) et de prieurés (7) ou de couvents (5), ainsi qu'une commanderie. Quatre périodes principales de construction se distinguent : les édifices bâtis et aménagés entre les 11e et 15e siècles, peu transformés depuis (11) ; les édifices de fondation médiévale plus ou moins remaniés à partir du 16e siècle jusqu'au 20e siècle (33) ; ceux bâtis entre les 16e et 18e siècles (21) ; les édifices largement restaurés ou bâti à neuf entre les 19e et 20e siècles (35).

Le chevet à abside et absidioles de la prieurale de Soulac en Médoc, complété d'une nef à bas-côtés, est un des chantiers les plus ambitieux du secteur au début du 12e siècle. Les édifices de Talmont, de Vaux et de Saint-Fort-de-Gironde, de Bayon en Bourgeais, ainsi que les chevets de Bégadan, Saint-Christoly et Saint-Vivien en Médoc, attestent de l'influence de l'art roman saintongeais, par le compartimentage des élévations entre les verticales des colonnes et la division horizontale en registres d'arcatures superposées, mais aussi par la richesse de l'expression des ornemanistes pour le décor sculpté.

L'apparition du style gothique aux 13e et 14e siècles se caractérise par des travaux d'agrandissement, de voûtement ou de réparation d'édifices endommagés lors de la guerre de Cent Ans, à Meschers, Saint-Fort-sur-Gironde ou Arces par exemple, dont l'abside est enserrée entre deux chapelles gothiques. Exception dans ce panorama, l'abbaye Saint-Romain de Blaye est l'objet d'un important chantier gothique, consistant en l'établissement d'un nouveau chevet et en une reprise des parties hautes de la nef.

Les édifices bâtis durant la période médiévale sont fréquemment l'objet de reconstructions ou de consolidations en raison de leur ancienneté et de leur état de vétusté. Ainsi, les édifices médiévaux réaménagés dès le début de l'époque moderne constituent la part la plus importante du corpus, soit 36 sur les 86 bâtiments. Mis à part le cas catastrophique de Bourg, où l'église abbatiale s'effondre dans le fleuve à la fin du 16e siècle, les effets de l'avancée des sables contribuent dans le secteur de l'embouchure à l'enfouissement du prieuré de Soulac, et de l'église de Buze sur le rivage opposé.

La multiplicité des conflits a également eu un impact sur l'architecture religieuse, notamment en raison de l'importance des destructions, à Blaye par exemple. Quelques édifices sont également représentatifs du phénomène de mise en défense des églises entre le Moyen Âge et les guerres de Religion. L'église paroissiale Saint-Vivien-de-Médoc semble ainsi avoir été dotée de créneaux et d'autres systèmes défensifs (démolis durant les années 1760 d'après l'abbé Baurein). L'existence d'un porche et d'une clôture du cimetière fortifiés sont documentés pour l'église Saint-Michel, à Marcamps en Bourgeais. L'église paroissiale Saint-Martin à Ludon-Médoc est pourvue d'un assommoir au 16e siècle.

Outre les guerres de Religion et les différents conflits postérieurs qui ont endommagé nombre d'édifices, les destructions liées à une désertion du lieu de culte représentent un phénomène important, car sept édifices médiévaux sont détruits avant le 20e siècle. Une décroissance démographique liée aux épidémies, des conflits ou un contexte économique peu favorable peuvent motiver l'abandon d'un lieu de culte. L'insalubrité d'un site trop proche de secteurs marécageux est également un motif de relocalisation d'un édifice : c'est par exemple le cas à Lamarque et à Arcins. Au 19e siècle, le nombre d'églises annexes au sein d'une vaste commune est aussi un facteur d'abandon ou de privatisation d'édifices religieux, à Prignac-et-Marcamps notamment. L'église paroissiale de La Libarde à Bourg, désaffectée, constitue un exemple emblématique d'un édifice religieux utilisé comme carrière afin de paver des routes. A l'inverse, dès la fin du 17e siècle, de nouveaux édifices religieux sont créés, en particulier dans les marais asséchés de la rive droite, renforçant ainsi le maillage paroissial. L'église de Saint-Seurin-d'Uzet est construite sur le port au début du 18e siècle, au détriment de l'ancien centre de peuplement. Des églises sont aussi construites a novo dans la seconde moitié du 18e siècle, à Cantenac en Médoc, et en grande partie à Gauriac.

Le mouvement de reconstruction est important à partir du 19e siècle, d'abord dans une continuité classique ou néo-classique à Meschers, Lamarque, Arcins ou Pauillac. L'un des premiers chantiers néo-gothique est localement celui de l'église de Saint-Ciers, à partir de 1854, sous la conduite de l'architecte bordelais Gustave Alaux. Une grande figure de la modernité archéologique, l'architecte angoumoisin Paul Abadie, intervient quant à lui en Médoc dans la même décennie, en restaurant l'église de Bégadan et en construisant à neuf celle de Valeyrac.

Plusieurs signatures de maîtres d'oeuvre ayant participé à la construction des édifices ont été repérées : 46 édifices construits ou remaniés durant le 19e siècle portent des signatures, sur un total de 68 bâtiments. Sept artisans ont ainsi laissé leur signature sur l'église de Saint-Christoly-Médoc.

20 édifices sont inscrits ou classés au titre de monuments historiques, soit seulement 20% du corpus.

Périodes

Principale : Moyen Age

Principale : Temps modernes

Principale : 19e siècle

Les murs des édifices sont construits systématiquement en calcaire, mis en oeuvre sous forme de moellons ou de pierres de taille. La pierre à bâtir provient essentiellement des carrières de la rive droite. Les toitures présentent des couvertures de tuiles creuses, plus rarement ou ponctuellement de tuiles plates, mécaniques ou d'ardoises.

Le principe du chevet étagé est un parti exceptionnel dans le territoire, qui se retrouve dans les vestiges de l'abbatiale Saint-Romain de Blaye et dans les ruines de l'église de la Libarde à Bourg. Le corpus comprend 48 édifices avec un seul vaisseau et 26 avec de trois vaisseaux. Il y a une tendance croissante mais en partie dû au fait que le nombre d’édifices recensés est également croissant dans le temps. Deux types de plans sont représentatifs de 81 édifices : 55 sont de plan allongé et 26 en croix latine. 20 édifices sont pourvus d'un transept, dont les 3 abbayes du corpus et 17 églises. Enfin, 52 édifices sont dotés d'un chevet en abside, dont 19 à pans coupés ; 25 édifices sont à chevet plat.

Sur les 67 édifices avec clocher, 46 sont de type clocher-porche ; 8 clochers sont situés au niveau de la nef, 4 à la croisée du transept, 2 en position centrale sans transept et 7 sur le chevet. Malgré l’insuffisance des données du corpus pour la période médiévale, il y a une nette supériorité typologique des clochers-porches. Du 16e au 18e siècle, 11 clochers de ce type sont recensés sur un total de 13 édifices à clocher, tandis que la période 19e-20e comptabilise 17 clochers-porches pour 19 édifices. Ce choix architectural permet de magnifier l’entrée dans une volonté ostentatoire. La portée symbolique des clochers est réaffirmée dans le contexte de la reconquête catholique, et prend en Gironde valeur de manifeste sous l'épiscopat du cardinal Donnet (1837-1882), promoteur de la reconstruction de nombre d'édifices de style néo-médiéval. La dimension religieuse des clochers est ici parfois doublée d'un rôle fonctionnel, comme amer pour la navigation estuarienne.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : pierre de taille

  2. Mise en oeuvre : moellon

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